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Le livre du roi d’Arnaldur Indridason

Couverture Le livre du roi d'Arnaldur Indridason

En 1955, un jeune islandais, répondant au nom de Valdemar et venu étudier la littérature nordique ancienne à Copenhague, se retrouve mêlé, avec son directeur d’études, à une chasse au trésor grandeur nature dont les origines remontent à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Une chasse au trésor pour retrouver le livre du roi, véritable Graal de la littérature islandaise.

Pour une fois, Arnaldur Indridason délaisse le célèbre commissaire Erlendur pour mieux nous conter, à travers une aventure que n’aurait sans doute pas renier Indiana Jones, l’histoire de l’Islande et ce qui fait la fierté des Islandais aujourd’hui : les sagas. Genre littéraire né au XIIe siècle et créé, en pleine guerre civile, par les Islandais eux-mêmes, les sagas racontent la vie et les aventures de leurs ancêtres. Au-delà de cet aspect, c’est son amour pour la littérature, les livres et pour son pays qu’Arnaldur Indridason nous transmet. J’ai pris beaucoup de plaisir à lire cette aventure, passée la difficulté de décrypter les noms d’auteurs islandais qui jalonnent ce roman et la quasi impossibilité de les retenir. Arnaldur Indridason nous régale avec son intrigue, menée de Copenhague à Berlin, et ses deux personnages principaux dont l’un est aussi bourru que l’autre est naïf. Le livre du roi est aussi une excellente opportunité de mieux comprendre les liens qui unissent l’Islande et ses voisins, notamment le Danemark.

Extrait, page 42 : « Lorsque je me mis à regarder plus attentivement autour de moi, j’aperçus un homme étendu par terre derrière le bureau. En voyant des chaussures marron usées, j’eus un choc. Ensuite, je vis qu’elles enveloppaient deux pieds qui disparaissaient sous le bureau. Je m’approchai. Je supposai que c’était le professeur et je crus tout d’abord qu’il avait succombé à une crise cardiaque. Lorsque je l’entendis respirer lourdement, ma crainte disparut. Je me penchai sur lui et lui touchai le front. Il était brûlant. Il tenait encore à la main une bouteille de cognac bon marché. Il était habillé en gris et son complet était fripé. Sur sa chemise blanche et sa cravate, il portait un gilet tricoté.

Je le poussai du pied mais sans résultat. Je me penchai sur lui et le secouai, mais il ne se réveillait toujours pas. Je ne savais que faire. J’aurais préféré m’éclipser et le laisser là cuver son eau-de-vie. Après tout, ce n’était pas à moi de venir en aide au professeur. Il devait avoir bu toute la nuit et il n’émergerait que le lendemain matin. Peut-être avait-il passé plusieurs jours à boire dans son bureau. Je me rappelai le gémissement qu’il me semblait avoir entendu la veille lorsque j’avais poussé la porte du bureau. De toute évidence, le professeur avait bien d’autres choses à faire que de recevoir les nouveaux étudiants. » Arnaldur Indridason.

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La rivière noire d’Arnaldur Indridason

Couverture La rivière noire D'Arnaldur Indridason

Dans le quartier de Thingholt à Reykjavik, un homme d’une trentaine d’années est retrouvé chez lui, égorgé, avec pour seule tenue sur le dos un tee-shirt, trop petit pour être à lui. La porte n’a pas été fracturée, pas plus qu’il n’y a de traces de lutte dans l’appartement. La découverte d’un flacon de Rohypnol – la drogue du viol – dans la veste de la victime laisse supposer à l’inspectrice Elinborg que cette dernière n’était sans doute pas irréprochable.

Bon polar que celui-ci, le septième de l’écrivain islandais traduit en français. Un changement cependant : alors que les six premiers mettaient principalement en scène le commissaire Erlendur, c’est l’inspectrice Elinborg, son adjointe, qui prend le relais cette fois-ci, le commissaire étant en vacances. L’occasion pour les assidus de cette série policière de faire plus ample connaissance avec l’inspectrice. Intuitive, elle aime la vie et trouve du réconfort dans la famille qu’elle a fondée avec un mécanicien. Son exutoire : tester des recettes de cuisine !

Au-delà de ce personnage sympathique, La Rivière noire est un polar bien mené, au rythme lent, comme souvent chez Indridason, et à l’intrigue complexe, ponctuée de multiples rebondissements. Y sont traités les thèmes du viol et de la honte qu’il génère chez les victimes ainsi que les secrets de famille. Vous devriez passer un « bon » moment, quand bien même ces sujets ne sont pas drôles !

Extrait, page 43 : « Un mince voile de neige recouvrait la terre, ce qui renforçait les jaunes et les rouges dont s’était parée la végétation. Silencieuse sur la banquette arrière, elle (ndlr : l’inspectrice Elinborg), admirait les couleurs automnales sans parvenir à se concentrer sur la beauté de cette nature. Elle pensait à son fils Valthor. Elle ressentait à son égard une certaine mauvaise conscience et se demandait quelle attitude adopter. Environ un mois plus tôt, elle avait découvert par hasard qu’il tenait un blog sur Internet. Elle était entrée dans sa chambre pour y ramasser les vêtements qui traînaient par terre et elle avait vu sur l’écran de son ordinateur qu’il écrivait des choses sur lui-même et sur sa famille. Elle avait reculé d’un bond en l’entendant arriver et fait comme si de rien n’était en le croisant à la porte. Elle avait mentalement noté l’adresse de la page et, malgré les tiraillements de sa conscience, fini par se décider à l’entrer sur l’ordinateur de bureau installé dans la salle-télé. Elle avait eu l’impression de fourrer son nez dans les lettres intimes de son fils jusqu’au moment où elle avait compris que n’importe qui pouvait lire ces textes. Elle fut prise de sueurs froides en voyant à quel point il se dévoilait. Il n’avait jamais dit à ses parents ni même vaguement mentionné à la maison un seul mot des choses qu’il avait consignées là ». Arnaldur Indridason.

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La muraille de lave d’Arnaldur Indridason

Couverture La Muraille de lave d'Arnaldur IndridasonArnaldur Indridason a toujours su, jusque-là, me captiver. Cette fois, non. Sauf sur la fin du livre où l’on découvre qui a fait quoi et pourquoi.

J’ai trouvé que ce polar trainait en longueur, avec de multiples histoires enchevêtrées – un pauvre hère maltraité dans son enfance qui n’en finit plus de souffrir, une femme aux mœurs légères aimant l’argent, un journal subtilisé tous les jours dans la même boîte aux lettres – les unes aux autres, comme si Indridason cherchait absolument à brouiller les pistes, perdre son lecteur. Par ailleurs, le commissaire Erlendur, personnage principal des polars d’Indridason, n’est pas dans ce livre. Seuls ses enquêteurs y figurent, notamment l’inspecteur Sigurdur Oli et ce dernier ne m’est guère sympathique avec ses jugements déjà ficelés qui ne laissent aucune possibilité à l’autre d’exister vraiment.

Au début du roman, on ne sait qui parle. Classique pour un polar. Il y est question d’un masque en cuir, d’un poinçon à enfoncer dans le crâne de quelqu’un. Celui qui s’exprime est à l’évidence en grande souffrance. Puis intervient un ami de Sigurdur Oli qui le sollicite pour le tirer d’une affaire délicate mêlant échangisme et chantage. Celui-ci accepte. Sans doute n’aurait-il pas dû. A peine est-il rentré en contact avec la femme désignée par son ami que celle-ci meurt sauvagement assassinée à coups de batte de base-ball. Et Sigurdur Oli a du mal à justifier sa présence à l’instant même où celle-ci se fait agressée…

Si vous ne connaissez pas les polars d’Arnaldur Indridason, mieux vaut commencer par La femme en vert, La cité des jarres ou Hypothermie. Conservez celui-ci pour plus tard, lorsque vous aurez une vision plus complète de ce que ce monsieur est capable d’écrire, c’est-à-dire de bons polars bien ficelés qu’on lit avec avidité !

Extrait, page 52 : « Il ne s’était pas spécialement bien préparé et ne savait pas de quelle manière il allait s’y prendre, l’important était de choisir le moment adéquat. En décidant d’agir, il avait une vague idée de ce qu’il allait faire, mais aucune sur la méthode qu’il emploierait. Finalement, c’était la haine, si longuement étouffée, qui l’avait poussé à passer à l’acte.

Il savait que ces policiers souhaitaient interroger le salaud. Il leur avait un peu parlé de lui l’hiver dernier, puis cette histoire avait été enterrée. Leurs chemins s’étaient à nouveau croisés par le plus pur des hasards. Il n’avait pas essayé de le retrouver, mais il l’avait simplement aperçu dans la rue, tout à coup. Des dizaines d’années s’étaient écoulées depuis qu’il était sorti de son existence, puis un jour, il l’avait vu passer dans son quartier. Il avait compris qu’il habitait là. Dans son quartier ! Après toutes ces années, voilà que le salaud avait pour ainsi dire emménagé dans l’immeuble voisin !

Il avait eu du mal à démêler ce qu’il avait ressenti en comprenant qu’il s’agissait du même homme. Il y avait eu cet étonnement : cela remontait à si longtemps et il lui semblait exclu que leurs routes puissent à nouveau se croiser. Mais cette peur ancienne était également remontée à la surface, cet individu le terrifiait encore, il était la chose qui lui inspirait le plus d’effroi dans la vie. » Arnaldur Indridason.

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La femme en vert d’Arnaldur Indridason

Couverture La femme en vert Arnaldur IndridasonAprès une phase ininterrompue de lecture (au moins quatre livres attendent sagement que je leur consacre un billet sur ce blog!), il m’arrive parfois de ressentir un flottement. Une sorte de trop plein, de « non envie ». Et de remettre le livre que je viens de sortir de la bibliothèque illico presto à sa place, en me disant, « non, ça ne me tente pas maintenant ! ». Après plusieurs tentatives au résultat identique, je m’oriente immanquablement vers les polars. Car ce sont eux qui me réconcilient avec les autres types de livres ! Eux, qui me donnent soif à nouveau, attisent mon appétit pour partir à la découverte d’autres auteurs.

Je viens donc de lire La femme en vert d’Arnaldur Indridason.

Dans une Islande froide et enneigée, nous retrouvons le trio habituel : Erlendur, le flic mélancolique et intuitif à la vie compliquée, Elinborg et Sigurdur Oli ses deux adjoints. Les voici confrontés à un squelette retrouvé lors de la construction d’un bâtiment sans autre sépulture, en haut d’une colline où, il y a tout juste cinquante ans, vivaient des soldats britanniques et américains, prêts à aller combattre au front. Les recherches commencent, deux histoires se mêlent, jouent avec nos nerfs, nous interrogent sur le hasard des rencontres, la capacité des êtres à résister à des violences, physiques ou morales, inouïes.

Extrait, page 68 : « Les archéologues reprirent les fouilles tôt le matin qui suivit la découverte des ossements. Les policiers qui avaient surveillé le périmètre pendant la nuit leur indiquèrent l’endroit où Erlendur avait farfouillé, là où se trouvait la main, et Skarphédinn fut saisi d’une colère noire en constatant la manière dont Erlendur avait retourné la terre. Jusque tard dans l’après-midi, on l’entendit répéter dans sa barbe : bon Dieu d’amateurs !

Dans son esprit effectuer des fouilles relevait d’une cérémonie sacrée au cours de laquelle chaque couche de terrain était dégagée l’une après l’autre jusqu’à ce que toute l’histoire qu’elle renfermait apparaisse et que tous ses secrets soient dévoilés. Le moindre détail avait de l’importance, chaque motte de terre pouvait abriter des indications capitales et les amateurs pouvaient détruire des indices essentiels.

Voilà le discours qu’il tint d’un ton réprobateur à Elinborg et Sigurdur Oli, lesquels n’avaient pas la moindre responsabilité dans l’affaire, pendant qu’il donnait des ordres à ses hommes. La tâche avançait avec une extrême lenteur à cause des minutieuses méthodes de travail employées par les archéologues. Le périmètre était quadrillé de long en large à l’aide de rubans qui délimitaient des parcelles selon une organisation précise. Le plus important était que la position du squelette ne soit pas modifiée lors des fouilles et ils faisaient bien attention à ce que la main ne bouge pas en enlevant la terre qui l’enserrait, de plus ils examinaient chaque poignée de terre avec précision ». Arnaldur Indridason.

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